HISTOIRES DE LUNAL (1 À 7)
HISTOIRES DE LUNAL (1)
Le Secret de la Dame Grise

La chronique
La Dame Grise est un fantôme, celui d'Helena Serdaigle, qui hante les murs de l'école de sorciers de Poudlard. Assassinée en pleine jeunesse, elle possède encore, à l'état de fantôme, une extraordinaire beauté, qui éblouit tous ceux qui la voient passer, silencieuse, l'esprit ailleurs, dans les couloirs de l'école.
Selon la légende, Helena Serdaigle était jalouse de sa mère, la grande sorcière Rowena Serdaigle, l'une des fondatrices de Poudlard avec trois autres sorciers, Godric Gryffondor, Helga Poufsouffle et Salazar Serpentard, chacun d'eux ayant donné son nom à l'une des quatre maisons dans lesquelles les élèves sont répartis à leur arrivée dans l'illustre établissement.
Croyant que sa mère tirait ses pouvoirs d'un magnifique diadème serti de pierres précieuses, Helena aurait volé l'objet et se serait enfuie en Albanie, où elle aurait vécu, jusqu'à ce qu'un homme qui prétendait l'aimer ne la retrouve. Helena l'ayant repoussé, cet homme aurait poignardé à mort la jeune femme puis, pris de remords, se serait suicidé.
Helena, devenue la Dame Grise, et son soupirant, devenu le Baron Sanglant, s'en seraient alors retournés à Poudlard, où ils vivent depuis lors. La Dame Grise est encore vêtue comme à l'époque de sa mort et resplendit toujours, tandis que le Baron Sanglant, couvert de sang, porte des chaînes soi-disant en guise d'expiation de son crime.
Là s'arrête la chronique.
Déjà, cette version officielle laisse beaucoup de zones d'ombre. Pourquoi une femme aussi belle et intelligente qu'Helena Serdaigle, passionnée de science et de littérature, aurait-elle été jalouse de sa mère ? Pourquoi serait-elle retournée à Poudlard à l'état de fantôme, sachant qu'elle aurait sous les yeux jusqu'à la fin des temps celui-là même qui l'avait assassinée ?
En fait, les choses sont loin de s'être déroulées de cette manière.
Un amour plus fort que tout
Dès mon arrivée à Poudlard, je suis tombé éperdument amoureux de la Dame Grise. Après bien des efforts - notamment, des poèmes de ma composition que je lui récitais dès que je la voyais −, j'ai réussi à attirer son attention. Elle a finalement accepté que je la courtise. Mon amour est devenu flamme brûlante.
Pourtant, si je la voyais bien disposée à mon égard, je sentais que quelque chose de terrible lui interdisait tout sentiment amoureux. Ne sachant trop comment vaincre cette résistance, je lui proposai un jour de m'emmener en Albanie pour me montrer les lieux où elle avait vécu ses derniers jours. J'espérais que ce « pèlerinage » ferait ressurgir des tréfonds de sa mémoire le souvenir de cette époque et l'amènerait à livrer son secret.
Helena hésita longtemps avant de m'avouer qu'elle avait maintes fois tenté de transplaner hors de Poudlard voire de quitter le domaine, mais qu'une force inconnue l'en empêchait. Je la persuadai d'essayer de nouveau en ma compagnie, convaincu que la force de mon amour annulerait le maléfice, s'il y en avait un.
Elle accepta. M'enveloppant dans ses bras, au sommet de la tour d'astronomie, elle prononça la formule tandis que je me concentrais de toutes mes forces sur l'amour que j'éprouvais pour elle. Au bout d'un certain temps, on eût dit qu'un verrou sautait et nous disparûmes dans le ciel étoilé.
Dans la forêt albanaise
Nous nous retrouvâmes dans une clairière éclairée par la lune, au beau milieu d'une forêt sombre. Helena me montra l'arbre, aujourd'hui plusieurs fois centenaire, protégé par différentes incantations qui le rendait invisible aux Moldus et dans lequel elle avait caché le diadème de Serdaigle. Une ouverture tout juste assez large pour y glisser l'objet béait à la fourche de deux branches principales.
Bien sûr, le diadème n'y était plus, puisque la Dame Grise avait été enjôlée, il y a des années, par un certain Tom Jedusor, qui avait retiré le diadème de l'arbre pour le cacher à Poudlard.
Au centre de la clairière, Helena retrouva, les traits crispés par une angoisse diffuse, la somptueuse tente qu'elle avait habitée après sa fuite et qui était également protégée par des sortilèges d'invisibilité.
C'est alors que j'appris de sa bouche qu'elle n'était pas partie seule, mais en compagnie d'une elfe de maison appelée Johannka.
Dans la tente, tout semblait endormi comme dans le palais de la Belle au bois dormant. Helena poussa un petit cri quand elle vit l'endroit, encore maculé d'une grande tache sombre, où le traître baron l'avait poignardée à mort.
Elle se mit à pleurer. Je la consolai comme je pus.
À travers ses sanglots, j'appris qu'elle ne se souvenait de presque rien, comme si sa mémoire avait été effacée. Quelques bribes de souvenir affleurèrent néanmoins : elle se revoyait, gisant dans son sang, faisant cadeau à Johannka d'une écharpe en soie de Chine, aussi légère que la brume du matin. Par ce geste, elle rendait la liberté à son elfe. Puis, elle apercevait, à l'entrée de la tente, deux ombres qui s'avançaient vers elle. C'était tout.
Nous restâmes là encore un certain temps, elle cherchant en vain à se souvenir et, moi si attristé de la voir ainsi, essayant de la mettre sur des pistes qui n'aboutissaient nulle part.
En quittant les lieux, Helena voulut tout détruire pour ne rien conserver de cet épisode douloureux de sa vie, mais je lui fis valoir qu'il s'agissait d'un lieu de mémoire qui pourrait toujours être utile plus tard - qui sait ?
Nous laissâmes donc les lieux en leur état et transplanâmes de nouveau jusqu'à Poudlard.
Percer le mystère
Au cours des années qui ont suivi, j'ai cherché à percer le mystère. Qu'était devenue Johannka ? Qui étaient ces deux ombres aperçues à l'entrée de la tente ? Les indices étaient si minces que j'avais l'impression de chercher une aiguille dans une botte de foin.
Helena ne m'était d'aucun secours. Elle avait, dit-elle, tourné la page et acceptait la version officielle. Elle avait parfois à mon égard un comportement étrange : elle me faisait des cajoleries puis, l'instant d'après, devenait froide comme le marbre. Il fallut beaucoup de temps - des années − pour que j'entende enfin de sa bouche qu'elle m'aimait.
Ce fut donc à son insu, sans jamais lui parler des résultats de mes recherches, que j'entrepris de lever le voile sur ce qui se révéla être une effroyable machination ayant mal tourné.
Véritable rat de bibliothèque − je me suis toujours très bien entendu avec Hermione Granger −, j'épluchai toute la documentation sur la grande et la petite histoire de l'école, cherchant une piste qui me mènerait à la solution du secret de la Dame Grise. Je n'appris pas grand-chose. L'histoire, on le sait, ne retient que la version des vainqueurs ou des plus forts et ce, même s'ils ont tort. Je ne trouvai donc aucune faille dans le récit officiel voulant que la Dame Grise ait volé le diadème de sa mère par jalousie et qu'elle ait été ensuite assassinée par un soupirant éconduit.
Pendant ce temps, le ciel de Poudlard s'assombrissait et lord Voldemort raffermissait chaque jour son emprise sur le monde des sorciers.
Je dus donc me rabattre sur le seul autre indice que je possédais : Johannka. J'interrogeai en vain des elfes qui auraient pu entendre parler d'elle. En fait, mon enquête à Poudlard et dans le milieu de la sorcellerie britannique ne produisit aucun fruit. C'est alors que ma passion pour les langues étrangères me servit.
Au moment où la guerre entre Harry Potter et lord Voldemort atteignait son paroxysme, je fus dépêché en Europe de l'Est par l'Armée de Dumbledore afin de rallier des sorciers à notre cause. Ma mission s'achevait quand je fis la rencontre d'un vieux sorcier albanais. Dès que je lui parlai de Johannka, il tiqua :
− Ma grand-mère me racontait souvent, dit-il, que dans son village natal, les moldus menaçaient les bambins turbulents de les envoyer chez la sorcière Yanka.
N'était-ce qu'un conte pour enfants ou la légende était-elle fondée sur des faits réels ? Je poursuivis mon enquête et me rendis en Albanie, dans la région où ce conte était apparemment né et qui était - coïncidence extraordinaire - voisine de celle où s'était réfugiée Helena.
Devenu par la force des choses un ethnologue qui rédigeait une thèse sur « La réalité dans les contes pour enfants », j'effectuai un patient travail d'entrevue auprès des anciens qui, au sein de la population locale, pouvaient encore avoir souvenir de cette légende.
J'appris qu'il existait dans la forêt de ***, au pied du mont ***, une cabane où aurait vécu ladite sorcière Yanka, qu'on me décrivait invariablement comme un être de petite taille, à la silhouette difforme et aux grandes oreilles pointues - tout le portrait d'un elfe. On ajoutait que la sorcière portait un bandeau sur l'œil gauche.
L'oeil de Yanka
Il me fallut néanmoins bien du temps pour recouper tous les témoignages et parvenir à l'endroit où, disait-on, vivait la sorcière. Et je ne serais sans doute jamais parvenu à entrer dans la cabane, protégée par des sortilèges d'invisibilité, sans les pouvoirs magiques que j'avais acquis durant mes années à Poudlard.
Quand je poussai la porte, je découvris un lieu austère qui semblait, comme la tente d'Helena, avoir été oublié par le temps. On eût dit que la propriétaire s'était absentée quelques minutes et allait revenir d'un instant à l'autre.
Le premier objet qui me frappa fut une écharpe en soie, suspendue à un clou fixé au mur. Elle était telle que ma bien-aimée me l'avait décrite : aussi légère et vaporeuse que la brume flottant au-dessus du sol au petit matin. Je pris l'écharpe dans mes mains et j'y enfouis mon visage, espérant follement y retrouver l'odeur d'Helena vivante. Comme par miracle, son parfum était resté imprégné dans le tissu. Des larmes roulèrent sur mes joues et mouillèrent l'écharpe.
Johannka avait sans doute espéré qu'une personne aimant sa maîtresse vienne jusqu'ici et épanche sa peine dans l'écharpe en soie car, tout comme la flamme révèle un texte écrit à l'encre invisible, mes larmes firent apparaître des mots dans le tissu :
Dans l'arbre couronné, l'œil de vérité
Aucun doute n'était possible. L'arbre couronné, c'était le chêne dans lequel Helena avait caché le diadème. Quant à l'œil de vérité, y avait-il un lien avec le bandeau que la sorcière Yanka portait apparemment sur son œil gauche ?
Je transplanai aussitôt jusque dans la clairière où Helena avait vécu. Ma bien-aimée m'ayant enseigné les formules à utiliser pour annuler les sortilèges d'invisibilité qui protégeaient l'arbre, je ne tardai pas à glisser ma main dans l'ouverture béante où avait reposé le diadème de Serdaigle.
Tout d'abord, rien.
Puis, tout au fond, mes doigts touchèrent du métal : une chaînette. Je la saisis et tirai. Au bout de la chaînette était suspendu un petit écrin portant l'inscription suivante : REGARDE AVEC TON CŒUR.
J'ouvris l'écrin. Il contenait un œil que la magie avait préservé de la décomposition : l'œil gauche de Johannka. L'elfe s'était éborgnée pour une raison que je ne tardai pas à connaître.
Après avoir tourné l'œil dans tous les sens, sans résultat, je songeai à ce qui s'était produit avec l'écharpe. « Regarde avec ton cœur », disait l'inscription sur l'écrin. Pour voir, fallait-il aimer ? Je me concentrai de toutes mes forces sur mon amour pour Helena et je projetai cet influx nerveux depuis mon cerveau jusqu'au bout des doigts qui tenaient l'œil.
Une lumière vive surgit de la pupille.
La tente était toute proche. J'orientai l'œil vers la paroi de toile et j'assistai, comme dans un spectacle d'ombres chinoises, à la mort de ma bien-aimée.
La mort d'Helena
Johannka devait se trouver à l'extérieur de la tente éclairée pour avoir vu ainsi les ombres de sa maîtresse et d'un homme, sans doute son soupirant, se profiler sur le mur de toile.
Je me demandais si je n'allais voir que l'image, mais l'elfe avait pensé à tout et intégré à son œil les impulsions électriques de souvenirs sonores qui se transmettaient directement à mon cerveau.
Comme Helena et son invité parlaient très fort - ils criaient presque −, je pus entendre clairement leurs échanges dans ma tête.
− J'ai eu le temps de réfléchir, disait Helena, et je sais maintenant que vous vous êtes joué de moi. Tout ce que vous avez cherché à faire, c'est m'éloigner de ma mère. Pourquoi ? Qui servez-vous ?
− C'est faux ! répliqua l'homme. Tout ce que je vous ai dit est vrai.
− Eh bien ! J'ai envoyé mon elfe quérir quelques victuailles. Dès son retour, nous plions bagage et rentrons chez nous.
− C'est trop tôt...Je veux dire : vous ne pouvez pas partir maintenant.
− Et qui m'en empêchera ? Vous ?
Je vis l'ombre d'Helena tourner le dos à son invité et s'apprêter à tirer sa baguette magique de sa robe.
Je vis aussi l'homme, qui semblait affolé, tirer de sa ceinture un poignard qu'il lança en direction de ma bien-aimée. L'arme pénétra profondément entre les omoplates d'Helena, qui s'écroula.
− Mon Dieu ! Qu'ai-je fait ? s'écria l'homme. Il alla récupérer son poignard et prit la fuite.
Fondu au noir.
Les adieux à la vie
La scène suivante se déroule dans la tente. Johannka est, selon toute probabilité, au chevet de sa maîtresse mourante.
Je vois le visage tordu de douleur de ma bien-aimée et je dois me retenir pour ne pas crier ma rage.
Helena parvient à dénouer son écharpe en soie et la donne à son elfe. Elle dit, dans un souffle, tandis que j'entends Johannka gémir à ses côtés :
− Te voilà libre, ma bonne Johannka ! Fuis ce lieu ! Et, surtout, ne retourne jamais à Poudlard, car tu y trouverais la mort.
L'œil de Johannka se remplissant de larmes, tout devint flou. Je vis cependant Helena tourner les yeux vers l'entrée de la tente avant de s'évanouir.
C'étaient sans doute les deux ombres dont elle m'avait parlé.
Fondu au noir.
Les deux ombres
La scène suivante se déroula également dans la tente. Le champ visuel était réduit à la largeur d'un trou de serrure. Johannka s'était sans doute fait disparaître d'un claquement de doigts à l'arrivée des ombres et s'était cachée dans une armoire.
Ce que je vis expliqua tout.
Un homme en tirait un autre par le bras tout en l'invectivant.
L'homme qui entrait dans la tente à contrecœur était le soupirant d'Helena. L'autre était SALAZAR SERPENTARD.
− J'ai élaboré ce plan durant des mois, espèce d'idiot ! criait Serpentard. Et voilà que tu le réduis en miettes.
− Mais, maître...lança timidement l'autre.
− Crétin !
Les deux hommes s'avancèrent jusqu'à l'endroit où gisait Helena. Comme s'il se parlait à lui-même, Serpentard marmonna :
− J'ai toujours voulu que les sang-de-bourbe soient exclus de Poudlard. Mais Godric Gryffondor et Helga Poufsouffle sont fermement opposés à cette idée. Restait Rowena Serdaigle. Grande sorcière, mais tellement absorbée par sa magie qu'elle en oublie tout le reste. À force de patience, j'aurais pu la rallier à mon camp, surtout que je savais qu'elle avait un faible pour moi. Nous aurions alors été deux contre deux. Il eût suffi de nommer un arbitre apparemment neutre, mais gagné à ma cause, et Gryffondor et Poufsouffle auraient été obligés de s'incliner. Mais il y avait un obstacle : la fille de Rowena, Helena, femme d'une intelligence supérieure et nourrie de cette bouillie philosophique d'amour universel et de bonne entente avec les Moldus. Comme elle exerçait une forte influence sur sa mère sur tous les sujets n'ayant pas trait à la magie, je devais l'éliminer. Mais il fallait jouer serré. C'est là que tu es entré en scène, baron, ajouta-t-il en se tournant vers l'autre homme. Ta mission consistait à jouer l'amoureux transi auprès d'Helena. Un amoureux ne peut être que sincère. La jeune femme aurait fini par croire tout ce que tu lui disais. Tu devais en fait instiller lentement un poison dans son cœur : lui faire croire que quelqu'un voulait subtiliser et détruire le diadème de Serdaigle, ce qui aurait rendu sa mère très vulnérable. Pendant ce temps, je jouais mon rôle auprès de Rowena et j'insinuais, chaque fois que je me retrouvais seule avec elle, que sa fille était jalouse d'elle et voulait lui ravir le diadème. Argument suprême qui devait définitivement faire croire à Helena que sa mère ne lui racontait pas tout : pendant que je disais à Rowena: « Votre fille viendra vous parler des menaces qui pèsent sur vous et de la nécessité de protéger le diadème; vous devrez lui répondre : 'Mais, ma fille, le diadème n'a jamais été doté d'aucun pouvoir' », vous baron, vous disiez à Helena :« Si vous allez voir votre mère pour la mettre en garde, soyez assurée qu'elle vous répondra : 'Mais, ma fille, le diadème n'a jamais été doté d'aucun pouvoir'. » Et c'est effectivement ce qui s'est produit. Comment Helena pouvait-elle résister à une telle logique ? Le plan s'est donc déroulé comme prévu. La jeune femme a subtilisé le diadème pour protéger sa mère et elle a trouvé refuge ici. J'avais besoin d'un peu de temps encore pour persuader Rowena de la justesse de mes idées, mais la fille s'est douté de quelque chose et a voulu rentrer. Vous avez alors tout gâché en lui enlevant la vie. Vous ne méritez donc pas un meilleur sort qu'elle, baron !
Salazar Serpentard tira sa baguette magique et la dirigeant vers le baron, il prononça : SECTUM SEMPRA!
Une version officielle arrangée
Le baron s'écroula et, poussant d'atroces cris de douleur, commença à se vider de son sang par d'innombrables blessures.
Je reconnus dans ce sortilège celui utilisé par Harry Potter contre Drago Malefoy. Rogue n'avait donc pas inventé Sectum Sempra; il l'avait tout simplement redécouvert. L'utilisation de ce sortilège expliquait le sang dont le fantôme du Baron Sanglant était toujours couvert.
Serpentard entreprit aussitôt de prononcer de longues formules, que mes études m'ont appris à reconnaître : sortilèges d'amnésie partielle et de reconstruction de la mémoire afin que les souvenirs coïncident avec la version officielle : le baron était amoureux d'Helena et celle-ci, jalouse de sa mère, lui avait volé son diadème, croyant qu'il était doté de pouvoirs extraordinaires. La plupart des autres souvenirs liés à cette machination furent effacés.
Serpentard poussa néanmoins la cruauté plus loin. D'autres formules sortirent de sa bouche : Helena et le baron seraient confinés à Poudlard et ne pourraient plus jamais en sortir. Un sortilège de «cœur sec» empêcherait Helena d'éprouver le véritable amour. Le baron porterait des chaînes en expiation, non pas du meurtre d'Helena, mais de l'échec de sa mission.
Helena et le baron avaient rendu l'âme. Leur fantôme se détacha de leur corps et suivit docilement Salazar Serpentard hors de la tente.
Fondu au noir.
Une dernière image d'un monticule de terre recouvert de fleurs, à la limite de la clairière. Johannka avait sans doute enterré les dépouilles et se recueillait sur la tombe de sa maîtresse.
Je suppose qu'après le retour de sa fille sous forme de fantôme, Rowena Serdaigle fut trop bouleversée pour que Salazar Serpentard puisse envisager un seul instant de la persuader de s'allier à lui. Il quitta d'ailleurs l'école peu de temps après et n'y revint jamais.
De retour à Poudlard
Je remis l'œil dans l'écrin et passai la chaînette autour de mon cou avant de transplaner jusqu'à Poudlard.
J'arrivai à temps pour la bataille finale avec les Forces du Mal.
Je faillis à quelques reprises perdre la vie, mais Helena me protégeait.
Après la victoire, l'heure était à reconstruire l'école et non à remuer les cendres d'un passé douloureux. Je ne racontai donc rien à ma bien-aimée de ce que j'avais vu.
Le calme revenu, je dus mener un dur combat intérieur. Devais-je me taire à jamais ou révéler la vérité? Une partie de moi-même disait : « Si tu lui prouves qu'elle est innocente, elle sera libérée, entrera dans la lumière et tu ne la reverras qu'à ta mort. » Une autre partie de moi-même me tançait :« Ce que tu peux être égoïste! Tu ne l'aimes pas vraiment si tu ne penses pas d'abord à son bonheur. Dis-lui tout. »
Je choisis la seconde solution. Mais je dus préparer Helena à cette révélation : n'avait-elle pas vécu dans le mensonge durant si longtemps ?
Un jour, elle sut tout. Elle fut, elle aussi, tiraillée entre son désir de quitter enfin ce monde et celui de rester auprès de moi.
Elle choisit de rester.
Nous fîmes appel aux plus grands sorciers pour la débarrasser des sortilèges extrêmement complexes que Salazar Serpentard avait utilisés pour l'envoûter. Voilà sans doute pourquoi, même si les elfes sont doués de grands pouvoirs, Johannka n'avait pas osé se mesurer à un sorcier de ce calibre pour venger sa maîtresse.
Je pus enfin entendre de la bouche d'Helena les mots « je t'aime ».
Ma bien-aimée insista pour qu'on désenvoûte aussi le Baron Sanglant. J'avais du mal à pardonner à cet homme le geste qu'il avait posé, mais il n'avait été - comme Drago Malefoy − qu'un instrument qu'on avait sacrifié.
Dix-neuf ans plus tard
Je suis revenu à Poudlard comme enseignant, tout comme Neville Londubat. J'enseigne les runes aux élèves des classes supérieures. Je n'ai donc pas encore eu dans mon cours les enfants des couples Harry-Ginny et Hermione-Ron.
Avec ma chère Helena à mes côtés, je coule des jours heureux. Mes élèves m'ont donné le sobriquet affectueux de LunaL le Gris - une allusion plaisante à mon amour pour la Dame Grise et, peut-être aussi, à Gandalf le Gris, de célèbre mémoire.
Helena aurait bien aimé avoir toujours près de son cœur l'écrin contenant l'œil de son elfe mais, comme chacun sait, les fantômes ne peuvent porter que ce qu'ils avaient sur eux au moment de leur mort. Je suis donc le gardien de l'écrin, que je porte autour du cou et, chaque année, Helena et moi allons en pèlerinage à la cabane de Johannka pour lui rendre hommage.
Quand il m'arrive de croiser le Baron Sanglant dans les couloirs, je le salue poliment et il incline chaque fois la tête en disant :« Mes respects, Maître LunaL ! » J'ai appris que, pour me remercier, il a interdit à Peeves, le fantôme turbulent de l'école, qu'il est apparemment le seul à pouvoir contrôler, de faire du grabuge dans mes salles de classe. J'ai donc la paix de ce côté.
À propos de fantômes, s'il est vrai que la présence d'un spectre dans une pièce provoque en général une baisse de température, il n'en a jamais été ainsi pour moi avec Helena. Dès le début, sa présence près de moi a plutôt provoqué l'effet inverse : la chaleur d'une brise d'été. D'ailleurs, plus tard, quand nous fûmes intimes et qu'elle voulait faire la gamine en traversant mon corps pour me surprendre, loin de frissonner de froid, j'éprouvais la sensation de me couler dans un bain chaud et parfumé. Une telle exception est sans doute attribuable à l'amour.
Helena et moi avons adopté une petite Malaisienne qui, alors qu'elle était en première année à Poudlard, a perdu toute sa famille dans une catastrophe naturelle qui a ravagé son pays. [Voir Histoires de LunaL (30) : Mon plus beau cadeau de Noël.]
En février 2014, le professeur Filius Flitwick ayant annoncé qu'il prenait sa retraite, j'ai été pressenti pour devenir le nouveau directeur de la maison de Serdaigle. Vu ma santé précaire, j'ai demandé quelques jours de réflexion. Je suis mort subitement le 30 mars 2014 avant de pouvoir donner ma réponse. Conformément à ma demande, on a inscrit sur ma tombe :
C'était un Serdaigle de cœur et de raison.
Il a donné sa vie à sa maison
Et en a été payé mille fois de retour
Par son Helena dont il a su gagner l'amour.
J'ai alors dû choisir entre le passage à un autre niveau de conscience et une prolongation de mon séjour terrestre sous forme de fantôme. Afin de ne pas imposer à ma bien-aimée Helena la décision cruelle d'abandonner sa fille et ses chers élèves de Serdaigle pour me suivre dans la lumière, j'ai décidé de rester. J'ai continué d'enseigner les runes (tout comme le professeur Binns continue d'enseigner l'histoire de la magie à l'état de fantôme) et, par suite d'une décision unanime du conseil d'administration de l'école, je suis devenu le premier fantôme de Poudlard à occuper le poste de directeur d'une maison, ma très chère maison de Serdaigle, sur laquelle je continuerai de veiller avec ma bien-aimée Helena.
HISTOIRES DE LUNAL (2)
Le Conte des quatre frères

Je ne vais pas toujours à la bibliothèque pour travailler.
J'aime tellement le calme qui y règne par rapport à d'autres endroits de l'école où l'activité incessante et bruyante finit par taper sur les nerfs, j'apprécie tellement l'atmosphère méditative de cette salle vouée aux travaux de l'esprit, le fait d'être entouré par un savoir accumulé depuis des siècles, l'odeur de vieux parchemin que dégagent les rayonnages, qu'il m'arrive de m'y rendre simplement pour le plaisir.
J'aime alors errer parmi les interminables rayons et, tout à fait au hasard, saisir un livre, l'ouvrir et trouver du plaisir rien qu'à tourner les pages.
C'est ainsi que je suis tombé récemment sur un vieil ouvrage, sans doute oublié depuis longtemps et qui parut si heureux d'être enfin ouvert que je sentis vibrer le cuir usé de sa reliure.
Le livre, fac-similé d'une édition de 1667 publiée à Amsterdam, s'intitulait Répertoire des contes pour jeunes sorciers par Carolus Pateraltus. Je devinai que ce nom n'était qu'un pseudonyme - d'ailleurs pas très difficile à déchiffrer pour quiconque connaît un peu la littérature française, comme si l'auteur avait voulu à la fois dissimuler ses accointances avec le monde des sorciers et faciliter la tâche à ceux qui auraient voulu l'identifier : Carolus = Charles ; Pateraltus = littéralement, père haut = Perrault. Charles Perrault, à qui l'on doit les célèbres Contes.
Perrault avait sans doute voulu s'amuser en recensant les contes pour jeunes sorciers, dont certains l'ont peut-être inspiré.
Dans sa joie d'être consulté après, peut-être, des dizaines d'années de sommeil sur les rayonnages, le livre sembla même guider mes doigts qui tournaient les pages vers une belle surprise.
Au milieu du livre, je tombai sur la recension d'un des Contes de Beedle le Barde intitulé Le Conte des trois frères, qui aura une importance considérable dans la suite de la saga Harry Potter.
Après avoir résumé l'histoire, Perrault fait un commentaire qui va un peu dans le même sens que celui d'Albus Dumbledore dans l'exemplaire qu'il léguera à Hermione après sa mort.
Perrault termine cependant son commentaire en écrivant : « Il existe une autre version de ce conte, où les frères ne sont pas trois, mais quatre. »
Cette phrase avait été soulignée en rouge par un lecteur peu soucieux de celles et ceux qui viendraient après lui.
Il avait même ajouté dans la marge, d'une écriture ancienne qui devait remonter à au moins un siècle : Voir l'exemplaire de Beedle de 1847.
Ma curiosité était piquée.
Je remis le livre en place dans les rayons, après avoir caressé sa couverture en guise de remerciement pour cette trouvaille (ce qu'il sembla apprécier car, songe ou réalité, je crus entendre dans le frottement des couvertures, quand je glissai l'ouvrage à la place qu'il occupait entre deux autres, un soupir d'aise).
Pour m'avancer dans mes recherches, je devais trouver l'édition de 1847 des Contes de Beedle, laquelle donnait apparemment des indices sur cette autre version.
Je savais où se trouvait l'édition la plus récente des Contes, pour l'avoir empruntée à ma première année à Poudlard, et je supposai que toutes les éditions étaient réunies dans le même rayon.
Je ne me trompais pas.
Je repérai assez rapidement l'édition de 1847 et je l'ouvris à la page où débute Le Conte des trois frères.
Il était une fois trois frères qui voyageaient au crépuscule, le long d'une route tortueuse et solitaire. Après avoir longtemps cheminé, ils atteignirent une rivière trop profonde pour la traverser à gué et trop dangereuse pour la franchir à la nage. Les trois frères, cependant, connaissaient bien l'art de la magie. Aussi, d'un simple mouvement de baguette, ils firent apparaître un pont qui enjambait les eaux redoutables de la rivière....
Je relus le conte en entier.
Rien.
J'étais déçu.
Revenant au début, je remarquai que, dans le premier paragraphe, le mot «baguette» avait été très légèrement souligné à la mine de plomb.
Je sortis ma baguette et j'en passai l'extrémité sur le mot souligné, tout en prononçant la formule «Révèle-toi».
La page sembla se transformer en un miroir d'eau. L'eau s'agita, comme si on y avait jeté un caillou. Quand le calme fut revenu, je vis que les caractères avaient changé. Ils étaient beaucoup plus anciens et devaient remonter aux débuts de l'imprimerie. En haut du titre - Le Conte des Quatre Frères -, un commentaire avait été écrit à la main :«Voilà tout ce qu'il reste de la seconde version du conte. Tous les exemplaires ont mystérieusement disparu.»
Je relus l'histoire.
Il était une fois quatre frères...
Le texte était identique, sauf que le chiffre «trois» était partout remplacé par le chiffre «quatre».
Sur le pont que les quatre frères avaient fait apparaître se dressa la Mort qui déclara que chacun d'eux avait droit à une récompense pour avoir réalisé un tel exploit. L'aîné demanda la plus puissante baguette magique qui puisse exister, le deuxième se fit donner une pierre pouvant ressusciter les morts.
Je lus alors, avec un indicible ravissement, un nouveau paragraphe :
Le troisième frère était un homme rusé qui se doutait bien que la Mort avait plus d'un tour dans son sac et qu'elle chercherait sûrement à reprendre ce qu'elle avait donné. Il lui demanda donc le moyen d'être partout à la fois − autrement dit, le don d'ubiquité. La Mort tira de sous sa cape une pièce de monnaie magique, à deux côtés face, et la remit au troisième frère en lui disant qu'il lui suffirait de la lancer en l'air et de la rattraper dans sa main pour se trouver en même temps partout où il le souhaiterait.
La Mort s'enquit enfin au cadet de ce qu'il désirait et, à sa demande, lui remit sa propre cape d'invisibilité. Puis, elle s'écarta pour laisser passer les quatre frères, qui poursuivirent leur chemin. Au bout d'un certain temps, ils se séparèrent pour se diriger vers leur propre destin.
Je poursuivis donc la lecture du conte.
Le frère aîné, muni de la baguette de sureau, se vanta dans une auberge de posséder une baguette qui le rendait invincible mais, la nuit venue, un autre sorcier l'égorgea pendant son sommeil et lui prit sa baguette. La Mort vint aussitôt chercher le premier frère.
Le deuxième frère, muni de la pierre de résurrection, ressuscita une fiancée décédée mais, voyant qu'elle ne vivait pas vraiment, il se pendit pour la rejoindre.
Ainsi la Mort prit-elle le deuxième des quatre frères.
J'attendais le paragraphe suivant avec autant d'impatience qu'un amoureux compte les minutes, le cœur battant la chamade, avant l'arrivée de sa bien-aimée.
Croyant que la Mort se mettrait rapidement à ses trousses, le troisième frère ne tarda pas à utiliser la pièce de monnaie aux deux côtés face. Pour son plus grand bonheur, il se retrouva en cent endroits différents sur la planète, vivant cent vies différentes en l'espace d'une seule, tout en étant conscient de chacune d'entre elles. Mais le don d'ubiquité ne rend pas immortel et, même s'il parvint, en usant des sortilèges les plus savants, à prolonger sa vie, les accidents, la maladie finirent par venir à bout de chacun de ses doubles, que la Mort cueillit un par un, comme des fruits mûrs tombés d'un arbre. Elle ne l'avait jamais poursuivi. Elle avait simplement attendu. Cependant, elle ne retrouva jamais la pièce de monnaie et dut s'en fabriquer une autre.
Quant au quatrième frère, lorsqu' il eut atteint un âge avancé, il retira sa cape d'invisibilité, la donna à son fils et attendit la Mort, qu'il accueillit comme une vieille amie.
Comme dans chaque édition des Contes de Beedle le barde, le conte se terminait par une illustration du symbole des reliques de la Mort : ici, un triangle équilatéral (la cape) divisé verticalement par un trait (la baguette) et dans lequel s'inscrivent un cercle (la pièce de monnaie) et un carré (la pierre).
À peine mes yeux avaient-ils examiné l'illustration, la page redevint un miroir d'eau qui s'agita, comme si on y avait jeté un caillou. Quand le calme fut revenu, j'avais de nouveau sous les yeux l'édition de 1847.
À la pensée de l'existence de cet «ubiquiteur», je fus parcouru par un frisson.
Je me hâtai de raconter ma découverte à ma bien-aimée la Dame Grise, qui me pressa d'en parler sur-le-champ à notre directeur, le professeur Flitwick.
Le pauvre professeur, complètement paniqué, m'emmena aussitôt au bureau d'Albus Dumbledore.
Le directeur de l'école, assis derrière son bureau, les deux mains jointes devant son visage, m'écouta attentivement pendant que je racontais mon histoire : le livre de Perrault, qui évoquait une seconde version du Conte des trois frères, et le renvoi à l'édition de 1847, à laquelle avait été intégrée magiquement cette seconde version.
Il ne tiqua même pas quand je parlai de l'ubiquiteur - une pièce de monnaie à deux côtés face, que la Mort avait remise au troisième frère pour lui permettre de se trouver en cent lieux différents en même temps.
Je crus seulement voir un mouvement presque imperceptible de son sourcil droit quand je dis que la Mort n'avait jamais retrouvé la pièce de monnaie et qu'elle avait dû s'en fabriquer une autre.
Un long moment de silence suivit le récit que je venais de faire.
Le professeur Flitwick se tortillait sur sa chaise. Il s'écria bientôt :
« Vous imaginez les conséquences, Albus, si cette pièce de monnaie se trouve quelque part dans la nature.»
Je pensai aussitôt aux horcruxes, dont même Dumbledore n'avait pas encore découvert l'existence (il lui manquait encore le souvenir complet de Slughorn, qu'il n'obtiendra que dans le 6e livre) et je me dis que l'ubiquiteur serait une arme terrible entre les mains de Voldemort. Le Seigneur des Ténèbres pourrait retourner dans le passé à l'aide d'un retourneur de temps, retrouver la pièce de monnaie et il n'aurait plus besoin de diviser son âme dans des horcruxes, puisqu'il aurait désormais le don d'ubiquité. Toute l'histoire en serait changée.
Je tournai les yeux vers Dumbledore et j'eus l'impression, dans le regard qu'il me jeta, qu'il avait suivi le fil de mes pensées en même temps qu'elles défilaient dans ma tête.
« Bien entendu, commença-t-il, je vais demander à Madame Pince de retirer sur-le-champ de la bibliothèque les deux ouvrages en question. »
Il se tourna vers moi.
« Quant à toi, mon petit LunaL, tu viens de nous prouver que tu possèdes toutes les qualités requises pour faire partie de la noble maison de Serdaigle, mais que tu es aussi à la hauteur des espoirs que cette école a mis en toi en t'accueillant en son sein. Cependant, je ne saurais trop te recommander la plus grande discrétion sur cette histoire. Je sais que tu écris un blogue...»
« Un glogue ? s'écria Flitwick. Qu'est-ce que c'est que ce machin ? »
Dumbledore parut amusé.
« Filius, un blogue, c'est une sorte de journal intime à grande diffusion. »
« Ah bon ! » se contenta de dire Flitwick.
Dumbledore revint à moi.
« Je sais, LunaL, que tu as déjà publié trois épisodes de cette aventure et que tes lecteurs sont actuellement en train de lire ce que je dis. Il est donc un peu tard pour étouffer l'affaire. »
Tournant alors les yeux vers toi, il ajouta :
«Mais je te prierais, toi qui me lis actuellement, de ne rien révéler à qui que ce soit sur cette histoire d'ubiquiteur. Songe à tout le mal qui pourrait en résulter. Je suis sûr que tu ne tiens pas non plus à obliger cette chère Madame Rowling à récrire les derniers livres de sa saga. »
L'entretien était terminé.
Nous nous dirigions vers la porte, Flitwick et moi, quand je me sentis poussé à me retourner. Dumbledore, toujours à son bureau, lança en l'air une pièce de monnaie, qu'il rattrapa dans sa main.
Il me fit un clin d'œil.
Je n'ai jamais su s'il blaguait ou s'il possédait réellement l'ubiquiteur.
HISTOIRES DE LUNAL (3)
(Voici un conte de Noël que mon amie Adeline lit aux petits enfants, le soir, au moment du coucher. Il paraît que les enfants aiment beaucoup cette histoire.)
Le Troisième Noël sans eux
À tous les enfants, petits et grands, qui ont eu des Noëls sans leurs parents
Il y a longtemps, dans les jours ayant précédé la première chute de Voldemort, le ciel était noir et la peur répandait ses miasmes putrides sur toute la contrée magique.
On ne comptait plus les morts, car le Seigneur des Ténèbres avait décidé d'éliminer tous ceux qui se mettaient en travers de son chemin ou qui osaient élever la voix contre ses procédés ignobles.
La famille Porter habitait un petit village d'Angleterre appelé Rowena's Lane.
Il y avait le père, John, la mère, Leslie, et leur petit garçon de sept ans, Hippolytus, que tout le monde appelait simplement Hip.
Les Porter s'étaient depuis le début opposés à Voldemort et furent donc parmi les premiers à subir son courroux.
Mais ils avaient prévu le coup et avaient aménagé dans leur petite maison une pièce secrète où ils avaient accumulé des vivres pour plusieurs mois.
Ils envisageaient de s'y cacher si les choses tournaient mal. Ils avaient même pris des dispositions pour que la maison reste en l'état et ne soit ni vendue ni louée.
Dans les semaines avant la disparition mystérieuse de Voldemort, ils effectuaient souvent avec leur fils l'exercice consistant à se claquemurer dans la pièce, si bien que le petit Hip savait fort bien comment procéder pour se soustraire, le cas échéant, aux griffes de ceux qui viendraient leur faire du mal.
Pour éviter de l'éveiller en pleine nuit si les Mangemorts survenaient quand tout le monde dormait, John et Leslie Porter installaient chaque soir le petit Hip dans la pièce secrète, en lui rappelant inlassablement les consignes à suivre en cas de malheur : rester le plus longtemps possible caché, sans faire le moindre bruit, avant de se risquer hors de la cachette; ne pas faire de feu et ne pas éclairer la maison pour ne pas risquer d'attirer l'attention.
Le malheur frappa un soir à la porte, très tard, alors que John et Leslie s'apprêtaient à se mettre au lit.
Les bruits et les cris, même étouffés, réveillèrent le petit Hip qui, tremblant comme une feuille, resta éveillé jusqu'à ce qu'un rayon de lumière filtre à travers une petite lucarne vitrée aménagée dans la cachette.
Le pauvre Hip avait eu si peur en entendant ces cris de détresse et ces bruits de bagarre qu'il en était tout retourné et regardait avec dédain les provisions qui auraient dû lui mettre l'eau à la bouche.
Il resta ainsi, hébété, durant des jours, peut-être des semaines.
Bien sûr, dans les jours suivant la disparition de ses parents, la maison fut visitée à plusieurs reprises et on appela son nom, mais il avait été si bien averti de se méfier qu'il ne répondit pas à ces appels.
Les visites s'espacèrent, puis cessèrent.
Il entendait faiblement des bruits venant de l'extérieur. Quelques semaines plus tard, des chants de Noël résonnèrent dans la rue et des groupes de personnes passèrent en riant joyeusement.
Mais le petit Hip était triste, car il savait qu'un malheur était arrivé. Ses parents n'étaient pas venus le chercher et l'avaient bien prévenu que, dans ce cas, il devrait se méfier de tout et de tous.
Même ces chants de Noël n'étaient peut-être qu'illusion pour l'attirer hors de sa cachette.
Le premier Noël, Hip le passa tout seul dans la pièce obscure, uniquement éclairée par la lumière de sa baguette.
Il finit par sortir et errer dans la maison sens dessus dessous. Nulle trace de ses parents.
Il n'osait ouvrir les volets pour regarder dehors.
Il faisait froid, puisque c'était l'hiver et qu'il ne pouvait faire de feu.
Hip pleurait souvent, tenant dans ses mains glacées la photographie de ses parents qui lui souriaient.
Au bout d'un an, les vivres vinrent à manquer.
John et Leslie Porter lui avaient appris à utiliser la magie pour faire venir à lui la nourriture dont il avait besoin.
Il se nourrissait, lisait et relisait tous les livres qui se trouvaient dans la maison, mais rien n'indiquait au-dehors que le mal avait disparu.
Il aurait tant aimé parler à quelqu'un.
Le deuxième Noël, Hip devait sans cesse regarder la photo de ses parents pour pouvoir se souvenir de leur visage.
Il était un survivant, mais il aurait préféré être mort avec le reste de sa famille.
Il commençait à perdre l'esprit. Le soir de Noël, il avait dressé la table pour un maigre festin et s'adressait à des mannequins censés représenter ses parents. Il s'était même risqué à sortir la nuit pour couper un petit sapin, qu'il avait décoré comme à l'époque où son père et sa mère vivaient encore.
Dans sa pauvre tête, il entendait les rires et la joie de Noël.
Le matin du troisième Noël, il fit l'effort de se lever - ce qu'il faisait de moins en moins souvent - et se traîna jusqu'au salon, sinistre et lugubre.
Devant une image de la Sainte Famille, il fit à voix haute le vœu suivant :« Faites que mes parents viennent me chercher...», qu'il compléta au fond de son cœur par :«...pour m'emmener avec eux dans la mort. »
Soudain, il entendit du bruit à la porte.
Il se précipita vers sa cachette.
Des gens entraient dans la maison.
On criait son nom. Dans son cerveau délabré, il crut reconnaître des voix.
Puis, la porte de la pièce secrète fut ouverte.
Il avait tellement hâte de mourir qu'il n'avait nullement l'intention de se défendre.
Il attendait, les yeux fermés, qu'un sortilège mortel ne l'envoie ad patres, quand il sentit que quelqu'un le prenait violemment dans ses bras et le serrait comme s'il allait l'étouffer.
Ces cheveux longs...Et cette odeur familière, qui remonta du plus profond de sa mémoire...
Des larmes coulèrent sur ses joues et se mêlèrent à celles de sa mère.
Il ouvrit les yeux.
Ses parents étaient là, devant lui, vieillis, amaigris, changés. Mais c'étaient bien John et Leslie Porter.
Après la venue des sbires de Voldemort, ils avaient été laissés pour morts, puis transportés à Sainte-Mangouste dans un état comateux qui faisait craindre le pire. À leur réveil, ils ne se souvenaient plus de rien et il avait fallu des années et le travail acharné du personnel de l'hôpital pour les ramener vraiment à la vie.
Un jour, ils s'étaient écrié : « Hip ! »
On leur avait dit que leur fils n'avait jamais été retrouvé.
C'était Noël.
Ils se firent alors, à eux-mêmes et à leur petit Hip, le plus beau cadeau du monde.
Il fallut certes du temps pour cicatriser les plaies, mais le temps, comme on dit, arrange bien des choses.
Aujourd'hui, le petit Hip a grandi.
Quand je suis entré à Poudlard, en même temps que Harry Potter, Hip était en dernière année, dans la maison de Serdaigle.
C'est lui qui m'a raconté tout cela.
HISTOIRES DE LUNAL (4)
Mes nuits à Poudlard
Dans les abondantes descriptions qu'elle fait des événements survenus à Poudlard, notre chère J.K. Rowling révèle des choses dont les élèves qui y étudiaient à l'époque n'ont souvent même pas soupçonné l'existence.
Bien sûr, il y avait la rumeur, mais la rumeur n'est pas une source très sûre, car elle déforme tout.
Qui sait, d'ailleurs, si notre auteure n'a pas parfois pris des rumeurs pour la réalité ?
Quoi qu'il en soit, Mme Rowling a dépeint Poudlard en fonction des événements qui s'y déroulaient et non en fonction de l'intérêt que telle ou telle partie du château pouvait présenter. Ainsi, elle a décrit la Salle sur demande parce que cet endroit a joué un rôle essentiel dans l'histoire. Elle nous a emmenés, pour les besoins de l'intrigue, dans des salles souterraines dont les professeurs, même les plus anciens, n'avaient jamais entendu parler.
Mais Poudlard est vaste et a constitué le terrain de jeu et d'expériences d'innombrables sorcières et sorciers pas toujours bien intentionnés. Si bien que le château est comparé par certains auteurs à un véritable champ de mines.
D'où les recommandations expressément formulées au début de chaque année scolaire : ne pas s'éloigner des lieux balisés, rester toujours groupés et mettre un frein à toute velléité d'exploration.
Recommandations que, bien sûr, nos trois héros − Harry, Ron et Hermione − n'ont jamais suivies.
Eh bien ! moi aussi, je n'ai pas suivi ces recommandations. Cependant, contrairement à nos amis, j'avais un guide qui, habitant les lieux depuis des siècles, en connaissait le moindre recoin.
Oui ! Il s'agit de ma bien-aimée la Dame Grise.
Après l'avoir tannée pendant longtemps, je l'ai convaincue de me faire faire une petite visite privée, à la lueur des flambeaux, de certains lieux dont tu ne trouveras jamais la description - ni même la mention - dans les livres de Harry Potter.
La salle qu'on n'a pas demandée
Pour me préparer en vue de ces visites mémorables, j'avais demandé à ma bien-aimée s'il convenait d'emprunter à mon ami Harry sa cape d'invisibilité. Helena m'avait répondu qu'elle avait beaucoup mieux: un sortilège qui me rendrait invisible aux yeux de tous ceux que nous croiserions, sauf aux siens.
Quand la Dame Grise vint me chercher dans le dortoir à minuit, j'avoue que j'avais un peu le trac. En effet, pour me punir (gentiment) de l'avoir harcelée, Helena avait pris un malin plaisir à me raconter, les jours précédents, tout un tas d'histoires à faire dresser les cheveux sur la tête.
Après avoir marmonné une courte formule, elle m'invita à la suivre. Cette formule était sans aucun doute le sortilège dont elle m'avait parlé. Je pus en vérifier l'efficacité au tournant du premier couloir : Rusard et Miss Teigne rôdaient comme toujours, en quête d'élèves à signaler au directeur.
Le concierge salua ma bien-aimée et Miss Teigne ne tiqua pas. J'étais donc bel et bien invisible.
Nous dûmes parcourir une enfilade de couloirs et grimper plusieurs escaliers baladeurs avant d'arriver à la « Salle qu'on n'a pas demandé ».
Une porte toute simple, comme il y en a des centaines à Poudlard, nous attendait.
Helena prononça une autre formule et la porte s'ouvrit.
« Reste bien près de moi, LunaL, sinon nous risquons de ne plus jamais nous revoir. »
J'aurais pris à la légère cet avertissement si je n'avais lu dans ses yeux une réelle inquiétude.
Nous entrâmes.
Sitôt la porte refermée derrière nous, une lumière diffuse venant du plafond éclaira une pièce vide, sans fenêtre.
Je me retournai. La porte avait disparu. Il n'y avait plus, dans cette salle de petites dimensions, qu'un escalier en bois ne menant nulle part et, tout au fond, une autre porte qui s'ouvrit.

Aussitôt - et malgré la présence d'Helena à mes côtés −, une terreur panique s'empara de moi et je me précipitai en avant.
Mais il se produisit un phénomène étrange, comme il s'en produit parfois dans les rêves : plus je courais vers la porte, plus elle s'éloignait.
Je courais à perdre haleine vers cette issue, mais plus j'avançais vers elle, plus elle se dérobait à moi.
J'avais l'impression de devenir fou.
C'est alors que j'entendis, comme si elle se trouvait à des centaines de mètres de moi, Helena qui prononçait une formule magique.
Nous nous retrouvâmes tous deux à l'extérieur de la salle.
J'étais en nage, comme si j'avais couru le marathon alors que, paraît-il, je n'avais pas bougé d'un pouce.
« C'est assez pour ce soir, dit simplement Helena. Nous reprendrons cette visite un autre jour. »
Je vis dans son visage que, même si elle savait tout de cette salle, elle s'était inquiétée pour moi.
Sur le chemin du retour au dortoir, elle me raconta l'histoire.
Il y a deux siècles, une sorcière du nom d'Agrippina Meanminded avait été embauchée pour enseigner la Défense contre les forces du mal (décidément, ce poste est maudit). Cette femme ambitionnait cependant autre chose : la direction de l'école. Elle complota tant et si bien qu'au lieu d'obtenir ce qu'elle convoitait, elle se fit un nombre incroyable d'ennemis.
Mais personne n'osait la prendre de front, car elle possédait d'immenses pouvoirs magiques.
C'est elle qui avait imaginé la « Salle qu'on n'a pas demandé ». Elle y invitait ses ennemis, un par un, sous prétexte de leur montrer quelque trésor. Dès qu'ils étaient entrés, elle transplanait hors de la pièce, laissant l'autre s'épuiser à courir après une porte inatteignable.
Il n'y avait pas qu'une salle, me dit ma bien-aimée. Chaque fois qu'on entrait dans la pièce, celle-ci se déplaçait dans une autre dimension. Les salles formaient ainsi, tout autour de celle qui n'avait pas encore été visitée, une sorte de carrousel infernal.
Helena avait surpris le manège tout à fait par hasard et, si elle n'avait pu sauver la dernière victime d'Agrippina, elle avait fait en sorte que la méchante sorcière soit condamnée à la réclusion à perpétuité à la prison d'Azkaban.
Grâce aux informations qu'on avait tirées d'Agrippina Meaminded, on avait pu visiter quelques-unes des salles du « carrousel infernal ». Helena était présente lors de cette visite macabre. Il n'y avait dans les pièces vides que des squelettes étendus au sol dans leurs habits d'époque, leur main osseuse tendue vers une porte qu'ils n'avaient jamais atteinte.
On avait par la suite tenté de détruire cette salle, mais les formules utilisées par Agrippina étaient si complexes - autant que les lignes de code d'un programme informatique - qu'on avait dû abandonner le projet.
Nous étions arrivés au dortoir. Helena posa un baiser sur sa main et le souffla dans ma direction. Puis elle disparut.
J'attendis quelques jours avant de la prier de me faire visiter un autre lieu étrange et inconnu de Poudlard.
La salle du Collectionneur
Helena vint me chercher au dortoir à minuit et utilisa, comme la première fois, un sortilège d'invisibilité pour me protéger contre les rencontres inopportunes.
Nous avions parcouru quelque distance dans les couloirs sombres, éclairés seulement par des torches fixées au mur à intervalles réguliers, quand nous vîmes le directeur de l'école qui venait à notre rencontre. Il était tellement absorbé dans ses pensées qu'il n'aperçut Helena que lorsqu'il fut à sa hauteur.
« Ah bonsoir, Helena ! » dit-il.
Helena le salua.
« Vous n'êtes pas avec votre soupirant ? » demanda-t-il.
Chacun sait qu'un fantôme ne rougit pas, mais si la chose était possible, ma bien-aimée aurait rougi des pieds à la tête. Elle fit signe que non.
Dumbledore dirigea alors son regard directement à l'endroit où je me trouvais, puis il tourna la tête vers Helena.
« Il est vrai qu'à cette heure, il dort sûrement à poings fermés chez les Serdaigle. »
Et il continua son chemin en ajoutant :« Vous saluerez le jeune LunaL de ma part. C'est un bon élément, d'après ce que me dit Filius. J'ai l'impression que nous le reverrons à Poudlard après ses études. Bonne nuit, Helena ! »
Quand il se fut éloigné, Helena et moi nous nous regardâmes avec, dans les yeux, la même pensée : malgré le sortilège d'invisibilité, le grand magicien avait deviné ma présence.
Pour nous rendre à l'endroit où Helena me conduisait, nous devions passer par le préau.
En arrivant dans la cour, elle me demanda si je voyais quelque chose d'inhabituel. Je fis signe que non. Elle marmonna alors une formule qui fit apparaître sur les murs une multitude d'oreilles.
Elle me raconta qu'il y a longtemps, un directeur paranoïaque, croyant que les élèves tenaient des propos médisants à son endroit, avait imaginé ce stratagème pour se tenir au fait des conversations qui se déroulaient dans la cour. Partout où il se trouvait, il pouvait entendre, dans un sorte d'écouteur relié magiquement aux oreilles murales, ce qui se disait à différents endroits de l'école.
« Cette histoire est devenue une légende, ajouta Helena, mais, comme tu vois, les oreilles existent bel et bien. »
Elle prononça une autre formule et les oreilles disparurent.
Je me dis que mon amie Hermione avait sûrement lu cette légende à la bibliothèque et qu'elle avait sans doute suggéré l'idée aux jumeaux Weasley, qui ont par la suite inventé les « oreilles à rallonge ».
Je sus aussi, du même coup, d'où venait l'expression « les murs ont des oreilles ».
Je connais quelqu'un qui aurait bien aimé mettre la main sur l'écouteur de l'ancien directeur pour être au courant de tout ce qui se tramait à l'école : Dolores Ombrage, la Grande Inquisitrice, qu'un ministère de la Magie paniqué nous a imposé plus tard.
Nous poursuivîmes notre balade dans l'école endormie.
Helena m'expliqua que la salle où nous allions avait été créée par un sorcier adepte de la magie noire.
« Lord Voldemort, me dit-elle, n'est pas le premier mage noir à avoir souillé le monde magique. Il a eu des prédécesseurs. Le personnage en question, dont l'histoire n'a retenu que le surnom − Le Collectionneur −, n'ambitionnait pas, heureusement, de dominer le monde. Mais il ne le cédait en rien à Jedusor pour ce qui est de la méchanceté et de l'absence de scrupules. La salle que je vais te faire visiter n'est connue que de rares initiés. »
Nous arrivâmes dans un cul-de-sac. Un mur se dressait devant nous.
Helena se tourna vers moi.
« Tu es sûr de vouloir visiter ce lieu ? Il n'y a ici qu'horreur et malveillance. Je ne voudrais surtout pas que tu restes marqué par ce que tu vas voir...»
Pour lui montrer que j'étais bien résolu à tout affronter, je tirai ma baguette magique.
Ma bien-aimée hocha la tête.
« Ta baguette ne nous sera ici d'aucune utilité, sinon pour nous éclairer. »
Elle s'avança vers le mur et prononça une formule.
Aussitôt, le mur sembla basculer sur lui-même, dévoilant un petit escalier qui descendait dans les entrailles de Poudlard.
Sur la partie du mur qui n'avait pas bougé apparut une inscription :
LA MAGIE EST UN ART SÉRIEUX QUI NE DOIT PAS ÊTRE PRIS À LA LÉGÈRE OU MIS ENTRE LES MAINS DE N'IMPORTE QUI. LES SORCIERS SONT RESPONSABLES DE LEURS ACTES ET SUBIRONT TÔT OU TARD LES CONSÉQUENCES DE LEUR MALVEILLANCE OU DE LEUR DÉSINVOLTURE.
L'inscription s'effaça.
« Cet avertissement, me dit Helena, a été ajouté sur ordre du ministère de la Magie à l'intention de celles et ceux qui découvriraient cette salle par hasard. Comme tu te doutes bien, il a été impossible jusqu'à ce jour de faire disparaître la salle. »
Je commandai à ma baguette : Lumos maxima et une lumière intense jaillit de son extrémité.
Je vis dans les yeux de ma bien-aimée une grande inquiétude.
Avant que nous ne nous engagions dans l'escalier, elle me dit :
« Si jamais on te demande si tu es un ami du Collectionneur, tu dois répondre "oui" sans hésiter. »
« D'accord ! » fis-je, un peu agacé.
« Il en va de ta vie, LunaL. »
« Ne t'inquiète pas pour moi, » répliquai-je.
Nous amorçames donc la descente de cet escalier étroit, qui semblait tourbillonner sans fin.
La descente dura plusieurs minutes.
J'arrivai enfin à la dernière marche, tandis que ma baguette éclairait une vaste salle voûtée, que l'obscurité cachait en grande partie.
Dès que je posai le pied sur le sol dallé, un phénomène étrange se produisit. On eût dit que mon acuité auditive avait augmenté, car j'entendais le moindre bruit : le clapotis du liquide dans les deux rangées de grands tubes de verre, posés sur de longues tables et remplis de je ne sais trop quoi, qui flanquaient une allée centrale ; des chuchotements et des rires étouffés ; des bruits d'ailes fendant l'air.
Je m'avançai, prudemment, tandis qu'Helena, à mes côtés, restait muette.
La lumière de ma baguette, même au maximum, n'éclairait la salle que sur un rayon de quatre ou cinq mètres.
Tandis que je me dirigeais vers le tube de verre le plus proche, qui contenait de petites sphères flottant dans un liquide doré, le battement d'ailes entendu à mon arrivée dans la salle augmenta d'intensité.
Quelques pas me séparaient du tube de verre. Je me rendis compte alors que les petites sphères étaient des yeux.
Quand j'approchai mon visage du tube, une dizaine d'yeux vinrent tout à coup se coller contre la paroi et me fixèrent.
J'entendis à peine ma bien-aimée crier « Non, LunaL, ne les regarde pas ! »
Il était trop tard. J'étais hypnotisé. Des images, sans doute transmises par les globes oculaires, se bousculèrent dans mon cerveau : toujours de dos, le Collectionneur prononçait la formule expulso oculum afin d'extraire à froid un œil qu'il trouvait sans doute exceptionnel et qui appartenait à des hommes et des femmes qui hurlaient à la mort.
Effectivement, chacun des globes qui me fixaient avait une particularité : chez l'un, l'iris était violet, chez l'autre, il avait la forme d'une fente verticale comme chez les reptiles.
J'étais dégoûté et fasciné tout à la fois.
Je serais sans doute resté là jusqu'à ma mort si ma bien-aimée n'avait eu l'idée de se faufiler entre la paroi et moi, ce qui rompit le charme.
Je vacillai, mais restai debout sur mes jambes.
Je devais être blanc comme un drap, car Helena me demanda si ça allait.
« Merci, ma mie ! « bredouillai-je. « Tu m'as sauvé la vie. »
Je repris rapidement mes esprits.
« Le reste doit être à l'avenant, je suppose. »
Helena fit signe que oui.
Je m'apprêtais à lui demander de quitter cet endroit lugubre quand quelque chose se posa sur ma tête. Quand j'y portai la main, je touchai ce qui semblait être des ailes et un corps palpitant recouvert de fourrure.
L'animal qui se trouvait là me mordit un doigt et je retirai aussitôt ma main.
J'étais paralysé.
Je sentis la bête s'avancer sur ma tête, puis je vis apparaître, se penchant au-dessus de moi et me fixant dans les yeux, une chauve-souris à tête humaine.
Cette tête était ridée comme une vieille pomme et d'une laideur repoussante.
« Es-tu un ami du collectionneur ? » me dit l'être répugnant d'une voix fluette.
Helena était venue se placer devant moi, à quelques pas de distance. Elle me fit signe de dire oui. Je vis bien qu'elle faisait des efforts pour entrer dans la bulle que la chauve-souris avait créée autour de moi, mais qu'elle en était incapable.
« Oui, je suis son ami, » dis-je d'une voix qui ne sembla pas convaincre la chauve-souris.
« Je ne te crois pas, reprit la voix fluette. J'ai bien envie de te crever les yeux pour t'apprendre à ne plus mentir. »
« Il ne ment pas, » lança Helena d'une voix forte.
La chauve-souris releva la tête vers elle.
« Et comment le sais-tu, fantôme ? »
« Je le sais parce que...parce que je l'aime, » répondit ma bien-aimée.
« Tu m'étonnes, fantôme ? »
Il baissa la tête vers moi et me regarda fixement dans les yeux. Je sentis son regard glacial pénétrer jusqu'au plus profond de moi.
« Va pour cette fois, moucheron ! Mais que je ne te voie plus remettre les pieds ici. Le fantôme t'a encore une fois sauvé la vie. J'espère que tu lui en seras reconnaissant et que, plus tard, tu le lui rendras au centuple. Mais je vais quand même te laisser un souvenir de moi. »
Avant de prendre son envol, il urina sur ma tête afin de bien marquer que je faisais désormais partie de son territoire. Je sentis le liquide chaud couler dans mon dos et se mêler à mes sueurs froides.
Je ne me rappelle pas comment nous avons quitté ce lieu maudit.
Le premier souvenir que j'ai, c'est Mme Pomfresh qui est en train d'appliquer un baume sur mon doigt ensanglanté et ma bien-aimée qui explique que nous nous promenions dans la forêt quand j'ai été attaqué par une chauve-souris.
Quand je repense à cette nuit d'horreur, un goût amer me vient à la bouche.
Je n'ose imaginer quelles autres monstruosités le Collectionneur avait accumulées dans son musée.
La sale bestiole avait quand même lu en moi que, plus tard, je rembourserais ma dette envers ma bien-aimée. Mais ça, c'est une autre histoire [voir Histoires de LunaL (1), Le Secret de la Dame Grise.]
La salle de l'écho obséquieux
Il m'a fallu un peu de temps pour digérer ma virée nocturne dans la salle du Collectionneur.
Quelques semaines plus tard, sentant sans doute que mon insatiable curiosité reprenait le dessus, Helena m'a proposé une visite qu'elle a qualifiée de «divertissante».
Elle est donc venue me chercher à minuit dans mon dortoir et nous sommes partis à la découverte de l'école, après qu'elle m'eut rendu invisible aux yeux de tous (sauf aux siens) grâce à un sortilège dont elle a le secret.
Cette fois, en déambulant dans les couloirs, nous sommes tombés sur la directrice de Gryffondor, Minerva McGonagall, dont j'ai toujours admiré la droiture et le caractère bien trempé.
Le fait qu'elle ait été un choixpeau flou - le choixpeau ayant hésité entre Gryffondor et Serdaigle quand il a dû la répartir dans une maison - me la rend encore plus sympathique. Malheureusement, comme je ne suis pas très bon en métamorphose, la matière qu'elle enseigne, je suis loin d'être son élève préféré.
Les deux femmes se saluèrent et Minerva disparut.
J'échangeai avec ma bien-aimée sur la vie amoureuse du professeur McGonagall (elle a refusé d'épouser un moldu qu'elle aimait pour ne pas vivre l'ostracisme que sa mère avait connu) et je pestai contre toutes les barrières que les humains dressent entre eux pour montrer leur supériorité ou, tout simplement, par crainte de l'autre et de sa différence.
Nous arrivâmes bientôt devant un placard à balais.
Helena m'invita à y entrer. Je lui fis remarquer que je ne voyais pas ce qu'il y avait de divertissant dans un placard.
Elle me raconta qu'un élève était venu souvent se réfugier dans ce réduit durant ses années d'études afin de ruminer ses difficultés scolaires. C'était un élève plutôt médiocre, dont les parents, de grands sorciers, attendaient beaucoup de lui (trop, sans doute). À force, l'adolescent avait développé, en même temps qu'une soif immense pour les louanges, une volonté farouche de l'étancher par tous les moyens.
Ce garçon solitaire, dont le tempérament dépressif et enclin à l'autoflagellation rebutait quiconque aurait voulu se lier d'amitié avec lui, trouva dans ses longues séances d'étude à la bibliothèque le moyen de se satisfaire.
Nous étions dans le placard. Helena prononça une formule. Les murs et le plafond s'agrandirent jusqu'à transformer la pièce minuscule en une magnifique salle voûtée.
« Nous sommes dans la salle de l'écho obséquieux, » me chuchota Helena à l'oreille. « Parle à voix haute et tu verras. » Ne sachant trop quoi dire, je hasardai un « bonsoir ».
Mon « bonsoir » se répercuta sur les murs, puis j'entendis, en écho, une douce voix féminine :« Bonsoir, grand génie ! Je me prosterne à tes pieds. Qu'as-tu à m'apprendre aujourd'hui, toi qui sais tout sur toutes choses. »
J'étais pour le moins étonné. Connaissant l'histoire du jeune écolier en manque de louanges, je ne tardai pas à entrer dans le jeu.
« Que penses-tu de moi ? » demandai-je. Je pensai au miroir du conte de fées à qui la méchante reine posait toujours la même question : « Miroir, ô miroir, dis-moi qui est la plus belle ! »
« Vous êtes le plus grand esprit que la terre ait porté. Le jour viendra où vous serez reconnu comme tel. Personne au monde n'est digne d'essuyer la poussière de vos chaussures. »
L'échange se poursuivit ainsi pendant quelque temps, mais je m'en lassai vite.
Il se termina d'ailleurs assez abruptement quand je demandai :« Tu n'en as pas marre de lécher les bottes comme tu le fais. Tu n'aimerais pas avoir une vie à toi. »
Pour bien me montrer qu'elle n'était qu'un écho - et un écho n'existe que par les autres, le pauvre - la voix féminine se contenta de répéter mot pour mot ce que je venais de dire.
Helena prononça une autre formule et nous nous retrouvâmes dans le minuscule placard à balais.
En retournant au dortoir, je lui dis :« Dire qu'il y a tant de malheureux sur terre qui ne vivent que comme des échos. C'est triste à mourir. »
Voyant qu'Helena était déçue de ma réaction, elle qui m'avait promis un « divertissement », j'ajoutai aussitôt :« Merci, ma mie. Cette visite était très amusante, mais tu me connais : tout ce qui me rappelle la misère humaine me fait mal à l'âme. »
Je vis beaucoup de tendresse dans ses yeux. Eût-elle été vivante qu'elle m'aurait sûrement pris dans ses bras.
HISTOIRES DE LUNAL (5)
Comment amadouer un dragon pour lui voler son oeuf d'or
L'épreuve du tournoi des Trois Sorciers consistant à subtiliser un œuf d'or à un dragon enragé m'a rappelé que j'ai moi aussi, en troisième année de mes études à Poudlard, accompli un exploit similaire.
Tous les élèves de l'école - mis à part quelques flemmards qui auront bien du mal à passer leur B.U.S.E - connaissent la bibliothèque et le dragon qui y règne en maître : Irma Pince.
Irma Pince a une grande qualité (sa passion pour les livres, qu'elle considère comme ses enfants, fait d'elle une bibliothécaire idéale) et un grand défaut (sa passion pour les livres, qu'elle considère comme ses enfants, la rend complètement dingue).
Malheur à celle ou celui qui remettra un livre tant soit peu abîmé. Pour les retards, Irma Pince ne se fait pas trop de soucis, car elle ensorcèle ses bouquins, qui disparaissent des affaires de l'élève et retournent tout seuls à la bibliothèque dès la date du prêt expirée.
Irma Pince est laide. Ses yeux perçants, piqués comme deux braises dans sa tête de vautour vous glacent sur place dès que vous avez le malheur d'attirer son regard. Sa trop longue fréquentation des livres a donné à sa peau l'aspect - et même l'odeur -- d'un vieux parchemin. Même quand elle serait censée rougir de colère, son teint reste gris, à peine moins terne que d'habitude.
Dotée d'une mémoire prodigieuse, Irma connaît l'aspect, l'état et l'emplacement de chacun des milliers de livres, parchemins, grimoires, etc. qu'elle a sous sa garde.
Pour avoir accès à la Réserve (le saint des saints de son antre), il faut une autorisation écrite d'un professeur. Or, pour le livre que je convoitais - le rarissime Manuel d'interprétation astrologique du célèbre sorcier et astrologue autrichien Amadeus Von Kleinenachtmusik -, je n'aurais jamais pu obtenir une autorisation d'emprunt du professeur Trelawney. Eût-elle d'ailleurs connu l'existence de cet ouvrage, elle aurait refusé que je le consulte, car cela m'aurait donné un avantage trop considérable sur les autres élèves de sa classe. Toute évaporée qu'elle soit, Sybil Trelawney possède un sens très aigu de la justice.
Certes, j'aurais pu faire appel à ma bien-aimée la Dame Grise et lui demander de me conduire, lors d'une de nos virées nocturnes, non pas dans une salle inconnue, mais dans la fameuse Réserve, où j'aurais pu emprunter incognito le Manuel d'interprétation astrologique. Trop facile ! Et j'ai toujours cru que la voie de la facilité ne mène nulle part.
Mais pourquoi ce livre en particulier, te demandes-tu ? Premièrement, parce qu'il est inconnu de la presque totalité des élèves de Poudlard et même d'un grand nombre de professeurs (j'ai appris sa présence à l'école tout à fait par hasard en feuilletant un ouvrage sur un autre sujet) ; deuxièmement, parce que je devais, dans le cadre du cours de divination du professeur Trelawney, dresser et interpréter une carte du ciel de mon choix ; et, troisièmement, parce que, pour interpréter une carte du ciel, cet ouvrage est aussi utile qu'Internet l'est aux élèves moldus pour rédiger leurs travaux scolaires.
Bien sûr, l'astrologie est une matière qui m'a toujours intéressé (on parle ici de la science astrologique et non des horoscopes stupides publiés dans les journaux moldus et même dans La Gazette du Sorcier) et je suis suffisamment versé en cette matière pour remettre au professeur Trelawney un travail qui aurait mérité un «A» sans avoir à recourir au Manuel de Von Kleinenachtmusik.
Mais je suis aussi très curieux et le fait même que cet ouvrage ait été placé en réserve ne me donnait qu'une envie : mettre la main dessus.
C'était mon œuf d'or.
Je devenais fébrile rien qu'à imaginer les trésors d'interprétation que je pourrais en tirer face à une carte du ciel qui, pour un profane, ne représente qu'une série de symboles reliés par des traits.
Et quel défi de parvenir à me faire prêter l'ouvrage par la «maîtresse des clés» !
Mon projet présentait cependant deux difficultés apparemment insurmontables : Irma Pince est une maniaque du règlement et elle hait tous les élèves sans exception.
La première règle à suivre impérativement face à un dragon : ne pas le prendre de front, car tu risques d'être réduit en cendres en moins de deux (ou, dans le cas d'Irma Pince, d'être pétrifié sur place par une cinglante rebuffade).
J'ai donc suivi les conseils du renard dans Le Petit Prince de Saint-Exupéry et je me suis rapproché chaque jour un peu plus de ma cible. Moi qui m'installais habituellement dans le fond de la bibliothèque, je me suis bientôt retrouvé assis à la table la plus proche du bureau de la bibliothécaire.
Je savais que, tel l'Argus de la mythologie, Irma voit tout ce qui se passe dans sa bibliothèque et connaît les habitudes et le comportement de chaque élève qui y met les pieds. Bon point en ma faveur, il m'était arrivé de voir dans le regard méprisant qu'elle me jetait parfois un infime soupçon de respect. Il ne lui avait donc pas échappé que je suis très assidu à la bibliothèque, que je manipule toujours les livres avec le plus grand soin, que je n'apporte jamais à boire ou à manger en cachette et que, même lorsque je suis en compagnie d'autres élèves, je ne fais jamais de raffut.
Étape suivante : flatter le dragon dans le sens des écailles, en suivant toujours la première règle, qui est de ne jamais prendre l'animal de front.
Je me suis donc entendu avec mon amie Hazel pour jouer la sérénade à Irma, mine de rien.
Un jour qu'Irma replaçait des livres dans des rayons, Hazel et moi sommes allés nous poster dans la rangée voisine et avons tenu le discours suivant, préparé d'avance, d'une voix assez forte pour être entendus :
« Nous avons sûrement la meilleure bibliothécaire de tout le pays, » commença Hazel.
« C'est une femme sévère, mais elle doit l'être, sinon cette bibliothèque serait un vrai foutoir. »
Et tutti quanti.
Quand Irma vint nous dire de nous la fermer, il y avait dans sa réprimande un petit accent joyeux qui m'indiqua que j'avais gagné la première manche.
La deuxième règle à suivre impérativement face à un dragon : surveiller à son insu ses faits et gestes et tirer parti de tout ce qui pourrait servir à l'amadouer.
Je dois dire que, sur ce coup-là, j'ai eu une veine de pendu. Un jour que je regardais Irma du coin de l'œil, je vis une étincelle s'allumer dans son regard au moment où le concierge passait dans son champ de vision.
« IRMA EN PINCE POUR RUSARD ! » me suis-je écrié intérieurement.
J'avais trouvé le talon d'Achille de la bibliothécaire. Comment n'y avais-je pas pensé ? Ces deux-là étaient faits pour s'entendre, ne serait-ce que parce qu'ils haïssent les élèves avec la même ferveur.
La suite fut un jeu d'enfant.
Je fis savoir à Rusard que la bibliothécaire n'était pas insensible à ses charmes.
Quelques jours plus tard, comme je passais près du couple en conversation fort amicale, j'entendis Irma Pince dire :« Ce jeune LunaL n'est pas un si mauvais garnement ! », ce à quoi Rusard ajouta :« Ce vaurien est peut-être l'un des élèves qui mérite le moins d'être fouetté dans cette école. »
Je sus alors que j'avais gagné la partie.
Quand j'expliquai à Irma Pince que j'avais besoin du Manuel d'interprétation astrologique d'Amadeus Von Kleinenachtmusik pour un travail urgent, que je n'avais pas le temps d'obtenir un billet d'autorisation, que je profiterais des lumières de l'auteur pour dresser et analyser la carte du ciel de celle qui me sauverait la vie et que, bien sûr, personne ne saurait rien de cet emprunt contraire au règlement, que crois-tu que le dragon a fait ?
Il m'a dit de revenir après la fermeture de la bibliothèque chercher l'œuf d'or que je convoitais.
HISTOIRES DE LUNAL (6)
Le Haricot chanteur du Portugal
Si tu entends une espèce de murmure quand tu passes près de certains pots remplis de terre, dans la serre de Madame Chourave, approche-toi et lis l'étiquette : HARICOTS CHANTEURS DU PORTUGAL.
Comme on ne peut planter qu'une seule graine de ce haricot particulier dans chaque pot - sinon, les graines ont tendance à se bouffer les unes les autres −, la graine une fois mise en terre trompe son ennui en chantant des airs qui parlent de solitude (soledad).
Il paraît d'ailleurs que le célèbre fado portugais est directement inspiré des ritournelles du haricot chanteur.
Heureusement, dès qu'elle germe, la graine se transforme (comme une chenille dans son cocon) en magnifique plante et cesse alors de chanter.
Rappel de son origine, la plante porte de petites fleurs en forme de larmes.
Bizarrement, l'infusion des feuilles de haricot du Portugal ont des vertus anti-dépressives.
C'est Madame Chourave elle-même qui, un jour, m'a raconté tout ça.
Elle trouvait tellement triste le destin de ces petites choses que les larmes lui montèrent aux yeux.
« Vous devriez prendre une infusion, Madame Chourave. Ça vous remontera le moral. »
« Tu as raison, LunaL. J'aurais besoin d'un petit remontant. »
Et elle s'éloigna en fredonnant un air qu'elle avait sans doute appris d'un de ses haricots qu'elle soigne avec tant d'amour.
HISTOIRES DE LUNAL (7)
La Pharmacopée magique
La pharmacopée magique est déjà fort abondante et très efficace.
Témoin les petits miracles accomplis par Mme Pomfresh à Poudlard et par le personnel de l'hôpital Sainte-Mangouste.
J'ai longtemps été attiré par le métier de créateur de potions et de sortilèges destinés à soulager la misère des sorcières et sorciers.
Mais l'attrait des runes - ces signes qui, comme les hiéroglyphes égyptiens et les caractères cunéiformes mésopotamiens, n'ont pas révélé tous leurs secrets − a été plus fort, si bien que j'ai plutôt consacré toute mon énergie à leur étude.
Pourtant, j'ai toujours gardé au fond de moi ce désir de venir au secours de mes semblables et c'est ce désir qui est à l'origine de l'invention du SOMNIPOTENS.
Je dis « invention », mais il s'agit plutôt de l'amalgame de différents éléments glanés çà et là − dans les ouvrages runiques, auprès d'amis des plantes comme mon cher Neville Londubat et à partir de mes propres expériences - qui a permis à ce remède de voir le jour.
Qu'est-ce donc que le SOMNIPOTENS ?
Je donnerai un exemple.
Votre ami, votre enfant ou une simple connaissance souffre de cauchemars à répétition.
Avec le SOMNIPOTENS, vous l'aiderez « réellement » (j'insiste sur ce mot) à régler son problème.
Le SOMNIPOTENS est une mixture dont la cuisson laisse au fond du chaudron une croûte magiquement séparée en deux moitiés de couleurs différentes : noir et doré.
Cette croûte, extraite du chaudron et divisée en plusieurs bouchées, permet à une victime de cauchemars et à son « aide » de lutter contre - et, souvent, de venir à bout de - cette plaie fort incommodante que sont les rêves terrifiants.
Chaque soir au coucher, les deux partenaires prennent une bouchée de SOMNIPOTENS (l'aidant une bouchée dorée et l'aidé une bouchée noire). Il n'est pas nécessaire que les deux partenaires dorment dans la même pièce, mais l'effet semble plus efficace si c'est le cas.
Les propriétés somnifères du SOMNIPOTENS permettent d'abord aux deux partenaires de s'endormir rapidement.
Dès que l'aidé commence à rêver et que ses rêves tournent au cauchemar, l'aidant entre dans son rêve, grâce aux liens magiques créés par le SOMNIPOTENS, et il est en mesure d'aider son partenaire à vaincre son cauchemar.
Voyons un exemple.
Une personne fait sans cesse le cauchemar suivant : elle marche la nuit dans une forêt sombre.
À mesure qu'elle avance, son angoisse augmente, car elle se rend compte qu'elle a perdu son chemin. Dans les fourrés épais, elle aperçoit deux yeux rouges. Soudain, un grand chien noir bondit sur elle et lui saute à la gorge. La personne se réveille alors en criant.
Grâce au SOMNIPOTENS, l'aidant peut intervenir dans le rêve de l'aidé.
Reprenons notre exemple.
L'aidant entre dans le rêve, déguisé en garde-chasse − pour ne pas éveiller les soupçons de l'aidé et, ainsi, le réveiller inopinément −, et lui demande sa destination. L'aidé répondra sans doute qu'il s'est égaré. L'aidant lui offrira de le ramener à bon port. Pendant qu'ils marchent côte à côte dans la forêt − et pour ne pas que le sentiment d'angoisse de l'aidé s'évanouisse −, l'aidant fera allusion aux gros chiens sauvages qui rôdent dans le coin. L'aidant demandera à l'aidé s'il a bien dans sa poche arrière sa baguette magique, au cas où un tel chien attaquerait, et s'il connaît la formule pour s'en débarrasser («vade retro, canem !»). S'il ne la connaît pas, l'aidant la lui indiquera. Si le sentiment de sécurité créé par la présence de l'aidant détourne l'aidé de son cauchemar, l'aidant pourra toujours s'écrier : «Regarde ! Les yeux rouges dans les fourrés. » L'aidant ajoutera, pour s'éloigner le temps que le chien attaque :« Je vais chercher une branche pour l'effaroucher. S'il attaque, n'oublie pas ta baguette et la formule. » L'aidant s'éloignera alors de la scène et laissera le cauchemar se conclure en espérant que, dès la première tentative, l'aidé aura suffisamment gagné en assurance pour affronter le chien. Si ce n'est pas le cas, il faudra recommencer. Si l'expérience réussit, et que l'aidé éloigne le chien, l'aidant reviendra auprès de l'aidé, le félicitera pour son courage et le ramènera en toute sécurité hors de son rêve.
Comme on le voit, l'important dans l'intervention de l'aidant n'est pas de régler le problème à la place de l'aidé, mais bien de l'amener à trouver une solution satisfaisante permettant de faire perdre au cauchemar sa charge émotive.
Bien entendu, le cauchemar ne lâchera pas prise aussi facilement. Il faudra sans doute répéter l'expérience plusieurs jours de suite, jusqu'à ce que l'empreinte du rêve sans cauchemar se grave assez profondément dans l'esprit de l'aidé. Il pourra aussi y avoir de courtes récidives plus tard, mais elles seront assez faciles à maîtriser.
J'espère que cette potion de mon invention aidera les personnes sensibles aux cauchemars.
Selon la docteure Eleonor Mépazôssud de l'hôpital Ste-Mangouste, qui préconise l'utilisation de cette potion pour les cas qui ne sont pas trop sévères, le SOMNIPOTENS a été jusqu'à présent une bénédiction pour de nombreuses familles de sorciers.
PRÉPARATION DE LA POTION
Ingrédients
5 brins de valériane
3 larmes de l'aidant
3 larmes de l'aidé
7 gouttes de sang de dragon
7 gouttes de sang de licorne
1 cœur séché de patazouf à queue touffue de Zanzibar [pour la description de cet animal, voir Histoires de LunaL (27)]
Marche à suivre
1re partie
Ajoute dans le mortier les 5 brins de valériane.
Ajoute dans le mortier le cœur séché de patazouf à queue touffue de Zanzibar.
Écrase les ingrédients en une poudre très fine à l'aide du pilon.
Ajoute 7 mesures du mélange écrasé dans le chaudron.
Fais chauffer à feu moyen pendant 30 secondes.
Remue 4 fois en sens inverse des aiguilles d'une montre.
Agite ta baguette en prononçant les mots « Omnipotens, Omnipotentem ».
Laisse bouillonner et reviens au bout de 5 minutes.
2e partie
Ajoute les 3 larmes de l'aidant dans le chaudron.
Ajoute les 3 larmes de l'aidé dans le chaudron.
Ajoute les 7 gouttes de sang de dragon dans le chaudron.
Ajoute les 7 gouttes de sang de licorne dans le chaudron.
Fais chauffer à feu moyen pendant 30 secondes.
Remue 3 fois dans le sens des aiguilles d'une montre.
Agite ta baguette en prononçant les mots « Somnipotens, Somnipotentem ».
La mixture est prête, mais il faut encore la laisser durcir pendant deux heures en couvrant le chaudron avec un linge humide.